Une histoire en mouvement constant
Depuis 2009, les protocoles de coopération entre professionnels de santé ont progressivement trouvé leur place dans le paysage juridique et organisationnel. Ils ont d’abord été instaurés par la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire (HPST), qui ouvrait la possibilité de déléguer certains actes entre soignants pour fluidifier les parcours de soins.
Dix ans plus tard, la loi OTSS de 2019 est venue moderniser le dispositif : plus simple, plus lisible, elle a clarifié les conditions d’utilisation de ces protocoles. Dans la foulée, un décret de décembre 2019 a fixé les règles incontournables de qualité et de sécurité à respecter.
En juin 2021, un nouveau décret a marqué une étape importante : toute mise en place d’un protocole local doit désormais être déclarée en ligne, avec un suivi annuel basé sur des indicateurs précis. Quelques mois plus tard, en novembre 2021, le dispositif s’est encore élargi, en intégrant cette fois les structures médico-sociales, qui peuvent elles aussi recourir aux protocoles de coopération.

Les évolutions de septembre 2025
Le décret de septembre 2025 franchit une nouvelle étape. Il renforce le suivi et la traçabilité : nombre de patients pris en charge, taux de reprise des actes, signalement des événements indésirables, satisfaction des professionnels… tout doit être transmis chaque année aux ARS. Celles-ci disposent désormais d’un pouvoir accru, pouvant suspendre un protocole en cas de non-conformité. Le texte prévoit aussi la possibilité de généraliser à l’échelle nationale les protocoles locaux qui démontrent leur efficacité.
Un levier d’innovation organisationnelle
En quinze ans, les protocoles de coopération sont passés d’une expérimentation encore confidentielle à un dispositif structuré, évalué et désormais pensé comme un outil d’innovation au service des équipes de soins. Ils témoignent d’une volonté de faire évoluer les pratiques pour répondre aux défis actuels : améliorer l’accès aux soins, sécuriser les prises en charge et soutenir une organisation plus collaborative de notre système de santé.
Ce décret récent intensifie les modalités de déclaration et de suivi :
Publics concernés : professionnels de santé, équipes pluripro, établissements de santé et médico-sociaux.
Déclaration en ligne : tout protocole (national ou local) doit être déclaré sur la plateforme dédiée. Le responsable (structure ou entité décisionnaire) déclare et fournit les pièces à l’ARS. La date de déclaration est considérée comme date de mise en œuvre effective.
Suivi annuel renforcé : Le décret institue une transmission à l’ARS des indicateurs suivants :
Nombre de patients pris en charge dans le cadre du protocole
Taux de reprise d’actes par les professionnels déléguants
Nature et nombre d’événements indésirables rapportés
Taux de satisfaction des professionnels adhérents
Contrôle et suspension : l’ARS peut suspendre un protocole en cas de non-conformité ou d’incidents
Généralisation nationale : les protocoles locaux jugés efficaces peuvent être proposés pour un déploiement national via le Comité national des coopérations interprofessionnelles, avec avis de la HAS, avant extension par arrêté ministériel
Une avancée, mais un frein économique persistant
Si le décret de 2025 renforce la transparence et la qualité des protocoles de coopération, il ne règle pas pour autant l’une de leurs principales faiblesses : l’absence de véritable modèle économique hors du champ hospitalier. En effet, si l’ARS peut apporter un soutien financier ponctuel, celui-ci reste limité. Or, les actes délégués ne sont pas facturables par les professionnels de santé libéraux, ce qui freine leur appropriation et leur diffusion.
Difficile, dans ces conditions, d’imaginer un déploiement massif de ces protocoles en ville. Le risque est de voir se creuser l’écart entre un cadre réglementaire de plus en plus exigeant — avec une traçabilité accrue — et la réalité quotidienne des équipes de soins de premier recours, qui manquent de leviers financiers pour s’engager durablement dans ces coopérations.
