Contexte et enjeux de l’Accord Conventionnel Interprofessionnel (ACI) MSP
L’Accord Conventionnel Interprofessionnel (ACI) pour les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) est un cadre contractuel instauré en 2017 pour structurer le fonctionnement et le financement de ces structures d’exercice coordonné. En 2025, il concerne près de 2 800 MSP en France, réunissant près de 50 000 professionnels de santé (environ 29 % d’infirmiers, 23 % de médecins généralistes, 12 % de kinésithérapeutes…). Cet accord vise à encourager l’organisation en équipe afin d’améliorer l’accès aux soins, problématique cruciale dans un contexte de déserts en santé touchant 30 % des Français (plus de 9 millions de personnes) et de pénurie de soignants (plus de 6 millions de patients sans médecin traitant) . Les MSP sont ainsi devenues « un relai vital pour préserver un accès aux soins équitable et coordonné » sur le territoire.
Bilan depuis 2017 : l’ACI-MSP a prouvé son efficacité croissante. En 2023, 98 % des MSP signataires remplissaient les critères requis et percevaient les financements correspondants (un taux stable depuis 2018). Les montants versés ont fortement augmenté : de 46,6 millions € en 2018 à 153,5 millions € en 2023 (+229 %). En moyenne, une MSP a touché 80 040 € en 2023, soit +10,5 % par rapport à 2022. Ces investissements soutiennent l’essor de l’exercice coordonné : par exemple, le nombre de médecins généralistes travaillant en MSP a doublé entre 2019 et 2023 pour atteindre 8 714 praticiens (soit 15,6 % de l’ensemble des généralistes libéraux), et plus de 10 millions de patients ont désormais un médecin traitant exerçant en MSP (+16 % en un an). Un avenant conclu en 2022 a renforcé l’accord initial en introduisant de nouveaux indicateurs de qualité, de participation au Service d’Accès aux Soins (SAS) et d’implication des usagers, illustrant la volonté d’adapter en continu le modèle aux priorités de santé publique.

Enjeux de la nouvelle négociation : Face à la montée en puissance des MSP, les partenaires conventionnels (Assurance Maladie et représentants des professionnels) ont entamé fin 2024 une renégociation de l’ACI, pour un « avenant » destiné à moderniser le cadre actuel. L’objectif est de consolider le rôle des MSP dans le système de santé de proximité. Plusieurs axes d’amélioration ont été identifiés : (1) simplifier et réviser les règles de rémunération afin d’accompagner plus efficacement les MSP tout au long de leur cycle de vie (par exemple, compenser financièrement une MSP qui perd un médecin, et inciter à prendre en charge des patients chroniques sans médecin traitant); (2) renforcer le travail en équipe en MSP, en allégeant la charge administrative des praticiens et en développant les fonctions support (aides à l’embauche d’assistants médicaux mutualisés, professionnalisation des coordinateurs de MSP, etc.); (3) mieux valoriser la coordination pluriprofessionnelle et la prévention, via une rémunération davantage tournée vers des objectifs de santé publique et la création d’une file active d’équipe (patientèle suivie par plusieurs soignants de la MSP) pour récompenser le réel travail d’équipe. Ces orientations répondent à un double impératif : soutenir les soignants sur le terrain (dont la qualité de vie au travail est enjeu) et améliorer la prise en charge des patients, notamment en matière de maladies chroniques et de prévention. L’ACI-MSP s’impose en effet comme l’outil conventionnel principal de financement et de structuration de l’exercice en équipe en MSP, d’où l’enjeu stratégique de cette négociation pour l’avenir des soins de proximité
Dernières avancées avant la suspension des négociations
De décembre 2024 à mi-2025, plusieurs séances de négociation entre la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (Cnam) et pas moins de 49 organisations représentatives des professionnels de santé ont permis d’enregistrer des avancées concrètes vers un nouvel accord. Jusqu’au printemps 2025, les discussions se déroulaient de manière constructive, avec la participation inédite d’AVECsanté en tant qu’observateur. Les partenaires s’étaient accordés sur nombre de points techniques visant à faire évoluer le modèle MSP:
- Nouveau modèle de rémunération forfaitaire : l’Assurance Maladie a proposé de simplifier le système actuel en instaurant un forfait de base (socle fixe de 14 000 € par MSP), modulé automatiquement par plusieurs critères liés à l’équipe et aux patients de la structure. Ces « modulateurs » prendraient en compte la composition de l’équipe (taille et diversité des professionnels), la composition de la patientèle…
- Valorisation de l’exercice coordonné :Les négociateurs ont acté des avancées qualitatives importantes. Il s’agit d’introduire formellement la notion de « file active d’équipe » (patientèle suivie par plusieurs membres de la MSP) dans le calcul de la rémunération afin de récompenser la coordination réelle autour des patients
- Hausse des financements: D’un point de vue budgétaire, l’Assurance Maladie a consenti à une enveloppe revalorisée pour les MSP. Ses projections indiquaient qu’avec ce nouveau modèle, les montants versés aux maisons de santé augmenteraient en moyenne de 18 %
Les causes de la mise en pause des discussions
Le coup d’arrêt est survenu fin juin 2025, à la suite d’une décision du Gouvernement et de l’Assurance Maladie sans lien direct avec le contenu de l’ACI-MSP lui-même, mais qui a provoqué la colère des syndicats. En effet, le 18 juin 2025, le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de santé a tiré la sonnette d’alarme sur un risque de dépassement de l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’Assurance Maladie). Dans la foulée, la Cnam – avec l’aval des pouvoirs publics – a suspendu les revalorisations tarifaires qui devaient entrer en vigueur au 1er juillet 2025 pour plusieurs professions de santé (certains tarifs des médecins spécialistes, des chirurgiens-dentistes, des kinésithérapeutes, etc.).
A la suite de la décision de ce report, plusieurs syndicats de diverses professions concernées ont décidé de quitter la table des négociations. Devant ce défaut d’interlocuteurs représentatifs autour de la table, l’Assurance Maladie a décidé de mettre en pause les discussions, dans l’attente d’un retour au calme et d’un éventuel rétablissement de la confiance.
L’avenant ACI-MSP, qui devait être finalisé durant l’été 2025, se trouve donc reporté sine die.
Notre fédération nationale AVECsanté, porte-voix des maisons de santé, a exprimé sa « surprise et préoccupation » suite au retrait des syndicats. Du point de vue des MSP, ce départ soudain « illustre bien le risque de laisser les intérêts mono-professionnels compromettre l’avenir de ces dynamiques collectives » que sont les équipes de soins. AVECsanté déplore que des enjeux extérieurs (calendrier des revalorisations de la convention médicale) viennent perturber une négociation pourtant cruciale pour l’avenir de l’exercice coordonné. Les co-présidents (Emmanuelle Barlerin, Dr Pascal Gendry et Dr Patrick Vuattoux) s’interrogent dès lors sur l’état du système conventionnel : selon eux, la décision de MG France et de la CSMF est « le signe d’un système à bout de souffle. Ne serait-il pas temps d’imaginer un modèle plus inclusif, plus adapté à la réalité du terrain et des équipes pluriprofessionnelles ? ».
Notre fédération appelle ainsi à « ne pas reléguer l’exercice coordonné au second plan », réaffirmant que les maisons de santé apportent une réponse concrète aux difficultés d’accès aux soins sur les territoires. Bien qu’AVECsanté n’ait qu’un rôle d’observateur dans ces négociations, elle se déclare prête à contribuer activement à la reprise du dialogue. AVECsanté assure en effet de sa « disponibilité pour contribuer […] à la refonte du cadre [conventionnel], afin de garantir aux usagers et aux professionnels un système à la hauteur des défis actuels ». En somme, la fédération des MSP maintient son engagement en faveur d’un accord ambitieux, tout en regrettant la suspension des pourparlers.
Elle en appelle à la responsabilité collective de tous les acteurs pour surmonter cette crise et aboutir à un accord bénéfique pour les soignants comme pour les patients
Perspectives et prochaines étapes
À l’heure actuelle (août 2025), aucune date de reprise n’a été fixée. Officiellement, chacun affiche sa volonté de parvenir à un accord dès que possible, tout en campant sur ses positions de principe. Le dossier de l’ACI-MSP est donc en suspens, tributaire d’une désescalade sur le front des revalorisations conventionnelles. Les prochains mois seront décisifs : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) et les négociations sectorielles attendues (infirmiers, sages-femmes, etc.) pourraient influencer le climat général. Si un terrain d’entente est trouvé d’ici la fin de l’année 2025, les discussions ACI-MSP pourront reprendre et aboutir – peut-être avec quelques aménagements – sur cet avenant 2 tant attendu, consolidant les maisons de santé dans leur rôle pivot. Dans le cas contraire, les MSP devront patienter et continuer à fonctionner sous le régime actuel, en espérant que l’élan de l’exercice coordonné ne soit pas durablement freiné par ces querelles conventionnelles.