Depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002, le secret professionnel n’est plus uniquement défini comme une obligation pesant sur les professionnels de santé, mais comme un véritable droit fondamental du patient. Le principe du secret professionnel connaît cependant des dérogations légales. En effet, le législateur peut prévoir des limites au secret afin de satisfaire des finalités spécifiques. La loi du 4 mars 2002 prévoit ainsi que deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent échanger des informations relatives à une même personne prise en charge pour assurer la continuité des soins ou déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible.

Cette dérogation au secret professionnel a fait l’objet d’une adaptation en 2016 sous l’égide d’une notion, le parcours de santé, et d’un objectif, prévenir les ruptures de prise en charge.

Les parcours de santé des patients font aujourd’hui intervenir, de manière conjointe ou successive, des professionnels issus des secteurs sanitaire, social et médico-social. Afin de favoriser la coordination des parcours de santé, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a souhaité créer les conditions d’une meilleure circulation des informations entre ces professionnels. Dans une logique de décloisonnement entre les différents acteurs de la prise en charge, cette loi définit le régime juridique de l’échange et du partage d’informations entre des professionnels issus des secteurs sanitaire, social et médico-social (I). En corollaire, des textes réglementaires précisent les modalités d’échange et de partage d’informations entre ces professionnels (II).

I. La définition de l’échange et du partage d’informations entre professionnels

L’article L. 1110-4 du code de la santé publique (CSP) distingue les notions d’échange et de partage d’informations entre professionnels.

S’agissant de l’échange d’informations, l’article L. 1110-4-II du CSP prévoit qu’: « Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social ». L’échange, qui « consiste à communiquer des informations à un ou plusieurs destinataires clairement identifiés par un émetteur connu »[1], est alors doublement conditionné. Par exemple, un médecin généraliste peut adresser, via une messagerie sécurisée de santé, des données de santé relatives à un patient à un médecin spécialiste pour obtenir un avis.

S’agissant du partage d’informations, l’article L. 1110-4-III du CSP prévoit deux situations qui dépendent de l’appartenance, ou non, des professionnels à une même équipe de soins.

Le partage « consiste à mettre à disposition de catégories de professionnels fondés à en connaître des informations dans les conditions prévues au [code de la santé publique], respectant les conditions de confidentialité et de sécurité »[2]. Il s’agit, par exemple, d’informations disponibles au sein du dossier médical partagé.

Dans la première situation : « Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l’article L. 1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe »[3]. Dans ce type de prise en charge, il n’est pas nécessaire de recueillir le consentement de la personne pour chacun des professionnels impliqués.

Inversement, dans la seconde situation : « Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés »[4]. En d’autres termes, le partage d’informations entre des professionnels qui ne font pas partie de la même équipe de soins est possible mais exige de recueillir le consentement préalable de la personne prise en charge.

Ces deux situations nécessitent de s’arrêter sur une troisième notion, nouvellement définie par le législateur en 2016 : l’équipe de soins. Aux termes du nouvel article L. 1110-12 du CSP, l’équipe de soins est « un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes ». Cette formulation démontre que l’objectif du législateur de promouvoir une prise en charge décloisonnée entre les différents acteurs est respectée. Au regard des professionnels nommés et des actes mentionnés, ce sont tant le secteur sanitaire que le secteur social et médico-social qui sont visés[5].

 

L’article L. 1110-12 du CSP prolonge cette définition et énumère trois cas constitutifs d’une équipe de soins :

  1. Dans le premier cas, les professionnels « exercent dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ou dans le cadre d’une structure de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ».

Sont par exemple énumérés au sein de ce décret, les maisons et les centres de santé[6].

  1. Dans le second cas, les professionnels « se sont vu reconnaître la qualité de membre de l’équipe de soins par le patient qui s’adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge ».

Par exemple, un médecin généraliste prescrit des actes de rééducation et des soins d’hygiène. Le masseur kinésithérapeute et le service de soins infirmiers à domicile choisis par le patient constituent une équipe de soins, à laquelle le médecin appartient[7].

  1. Dans le troisième cas, les professionnels « exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé ». Ce cahier des charges est défini au sein de l’arrêté du 25 novembre 2016[8]. Ce texte donne trois illustrations de qualification d’équipe de soins, telle que l’équipe de soins dans le cadre de l’activité de régulation médicale dite partagée.

L’article L. 1110-4-IV du CSP prévoit que la personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage de ses informations et qu’elle peut exercer ce droit à tout moment.

[1] Arrêté du 25 novembre 2016 fixant le cahier des charges de définition de l’équipe de soins visée au 3° de l’article L. 1110-12 du code de la santé publique

[2] Arrêté du 25 novembre 2016 fixant le cahier des charges de définition de l’équipe de soins visée au 3° de l’article L. 1110-12 du code de la santé publique

[3] Article L. 1110-4-III alinéa 1 du code de la santé publique

[4] Article L. 1110-4-III alinéa 2 du code de la santé publique

[5] GIRER Marion et ROUSSET Guillaume, Les droits des usagers dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, Presses de l’EHESP, coll. « Fondamentaux », 2022, p. 173.

[6] Décret n° 2016-996 du 20 juillet 2016 relatif à la liste des structures de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale dans lesquelles peuvent exercer les membres d’une équipe de so­ins

[7] ASIP SANTE, « Echange et partage de données de santé. Retours d’expérience des bonnes pratiques sur l’échange et le partage de données de santé », 2018, p. 12

[8] Arrêté du 25 novembre 2016 fixant le cahier des charges de définition de l’équipe de soins visée au 3° de l’article L. 1110-12 du code de la santé publique

II. Les modalités d’échange et de partage d’informations entre professionnels

Les conditions d’échange et de partage d’informations entre les professionnels de santé et les autres professionnels des champs social et médico-social sont définies au sein du décret               n° 2016-994 du 20 juillet 2016[1]. Cet acte réglementaire précise la nature des informations pouvant être échangées ou partagées, détermine les catégories de professionnels du champ social et médico-social habilitées à échanger et partager avec les professionnels de santé, et définit les modalités de cet échange et de ce partage.   

En application de l’article L. 1110-4 du CSP, les professionnels participant à la prise en charge d’une même personne peuvent échanger ou partager des informations relatives à la personne prise en charge dans la double limite : des seules informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et social de ladite personne, et du périmètre de leurs missions[2]. Quatre finalités permettent ainsi aux professionnels d’échanger ou de partager des informations. Le critère de la nécessité rappelle, en creux, que l’échange ou le partage constitue une dérogation à un principe, celui du secret professionnel. A défaut de liste réglementaire déterminant les informations pertinentes, il appartient au professionnel de déterminer ces informations dans le respect du périmètre de ses missions[3].

Les professionnels susceptibles d’échanger ou de partager des informations relatives à la même personne prise en charge appartiennent aux deux catégories suivantes : les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, quel que soit leur mode d’exercice, et les professionnels relevant des sous-catégories suivantes[4].

Ces deux catégories sont figurées sous la forme d’un tableau ci-après :

Catégorie 1

Professionnels de santé

 

Catégorie 2

Professionnels relevant des sous-catégories suivantes

Professions médicales : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme.

 

Professions de la pharmacie et de la physique médicale : pharmacien, préparateur en pharmacie et préparateur en pharmacie hospitalière, physicien médical.

 

Auxiliaires médicaux : infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste, manipulateur d’électroradiologie médicale, technicien de laboratoire médical, audioprothésiste, opticien-lunetier, prothésiste et orthésiste, diététicien.

 

Aides-soignants

 

Auxiliaires de puériculture

 

Ambulanciers

 

Assistants dentaires

 

Assistants de régulation médicale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a) Assistants de service social mentionnés à l’article L. 411-1 du code de l’action sociale et des familles ;

b) Ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes non professionnels de santé par ailleurs, aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux ;

c) Assistants maternels et assistants familiaux mentionnés au titre II du livre IV du code de l’action sociale et des familles ;

d) Educateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs, permanents des lieux de vie mentionnés au titre III du livre IV du même code ;

e) Particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées mentionnés au titre IV du livre IV du même code ;

f) Mandataires judiciaires à la protection des majeurs et délégués aux prestations familiales mentionnés au titre VII du livre IV du même code ;

g) Non-professionnels de santé salariés des établissements et services et lieux de vie et d’accueil mentionnés aux articles L. 312-1L. 321-1 et L. 322-1 du même code, ou y exerçant à titre libéral en vertu d’une convention ;

h) (Abrogé) ;

i) Non-professionnels de santé membres de l’équipe médico-sociale compétente pour l’instruction des demandes d’allocation personnalisée d’autonomie mentionnée aux articles L. 232-3 et L. 232-6 du même code, ou contribuant à cette instruction en vertu d’une convention ;

j) Personnels des dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnés à l’article L. 6327-1, des dispositifs spécifiques régionaux mentionnés à l’article L. 6327-6 et des dispositifs d’appui mentionnés au II de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé intervenant dans le cadre de leur mission de coordination du parcours de santé de la personne concernée et spécialement habilités par les représentants légaux de ces dispositifs ;

k) Etudiants en troisième cycle mentionnés aux articles R. 6153-1R. 6153-2 et R. 6153-93 du présent code.

Le décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016 organise les modalités d’échange et de partage d’informations entre ces deux catégories sous le régime de l’information préalable.

Lorsqu’un professionnel relevant d’une des catégories souhaite échanger des informations relatives à une personne prise en charge avec un professionnel relevant de l’autre catégorie, il « informe préalablement la personne concernée, d’une part, de la nature des informations devant faire l’objet de l’échange, d’autre part, soit de l’identité du destinataire et de la catégorie dont il relève, soit de sa qualité au sein d’une structure précisément définie »[1].

Lorsqu’ils sont membres d’une même équipe de soins : « les professionnels relevant d’une des catégories mentionnées à l’article R. 1110-2, partagent, avec ceux qui relèvent de l’autre catégorie, les informations relatives à une personne prise en charge dans les strictes limites de l’article R. 1110-1 et en informent préalablement la personne concernée. Ils tiennent compte, pour la mise en œuvre de ce partage, des recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé avec le concours des ordres professionnels, en particulier pour ce qui concerne les catégories d’informations qui leur sont accessibles »[2].

 

In fine, ce décret prévoit la situation où la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté : dans cette hypothèse, seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer cette personne peut dispenser le professionnel ou la personne participant à sa prise en charge de l’obligation d’information préalable. La personne concernée est toutefois informée, dès que son état de santé le permet, de l’échange ou du partage des informations auquel il a été procédé. Il en est fait mention dans le dossier médical[3].

Les modalités relatives au partage d’informations entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins sont régies par un autre texte réglementaire. Il s’agit du décret          n° 2016-1349 du 10 octobre 2016[4]. Il définit les conditions dans lesquelles le consentement de la personne prise en charge doit être recueilli et peut être modifié ou retiré en vue du partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à sa prise en charge.

Eu égard aux conditions de recueil du consentement, il est préalablement établi que lorsqu’une personne est prise en charge par un professionnel relevant des catégories de professionnels mentionnées à l’article R. 1110-2 et ne faisant pas partie de l’équipe de soins au sens de l’article L. 1110-12, ce professionnel recueille le consentement de la personne pour partager ces données dans le respect des deux conditions suivantes. D’une part, la personne et, le cas échéant, son représentant légal, est dûment informée, en tenant compte de ses capacités, avant d’exprimer son consentement : « des catégories d’informations ayant vocation à être partagées, des catégories de professionnels fondés à en connaître, de la nature des supports utilisés pour les partager et des mesures prises pour préserver leur sécurité, notamment les restrictions d’accès »[5]. D’autre part, le consentement préalable de la personne, ou de son représentant légal, est recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, après qu’elle a reçu les quatre informations précédemment mentionnées[6].

L’information préalable de la personne est attestée par la remise à celle-ci, par le professionnel qui a recueilli le consentement, d’un support écrit, qui peut être un écrit sous forme électronique, reprenant cette information. Ce support indique les modalités effectives d’exercice de ses droits par la personne ainsi que de ceux qui s’attachent aux traitements opérés sur l’information recueillie, en application de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.[7]

Concernant les modalités de recueil du consentement, ce dernier est recueilli par chaque professionnel par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée, excepté en cas d’impossibilité ou d’urgence. Dans ce cas, le professionnel procède au recueil du consentement lorsque la personne est de nouveau en capacité ou en situation de consentir au partage d’informations la concernant. Il en est fait mention dans son dossier médical.

Le texte réglementaire précise que le consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Il est strictement limité à la durée de la prise en charge de la personne. La prise en charge peut nécessiter une ou plusieurs interventions successives du professionnel.[8]

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Pauline NICOLAS

Docteure en droit de la santé

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