Une nouvelle proposition de loi pour lutter contre les déserts médicaux : les professionnels de premier recours au cœur des débats

Face à une désertification en santé alarmante, une proposition de loi transpartisane entend relever le défi de l’accès équitable aux soins. Axée sur une meilleure répartition des professionnels de santé, la formation et le soutien à l’exercice coordonné, cette initiative place les acteurs du premier recours et les structures pluripro au centre des solutions envisagées.

Une situation critique en chiffres

Près de 9 millions de Français vivent dans des zones où l’accès aux soins est insuffisant, selon une étude récente de la DREES. Dans ces territoires, il faut attendre en moyenne 11 jours pour un rendez-vous chez un généraliste, 93 jours pour un gynécologue, et jusqu’à 189 jours pour un ophtalmologue. Les départements ruraux comme la Creuse ont vu leur densité médicale diminuer de 31 % entre 2010 et 2024, tandis qu’elle augmentait de 16 % dans les Hautes-Alpes.

Cette crise met à rude épreuve les professionnels de premier recours, notamment dans les Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP). Ces structures, qui organisent les soins de proximité, font face à une demande croissante, mais peinent à se généraliser, confrontées à certains freins administratifs et réglementaires.

Une approche transpartisane et pragmatique

Pour inverser cette tendance, la proposition de loi, élaborée par une centaine de députés de tous bords, repose sur trois piliers : répartir, former et accompagner.

Accompagner : valoriser l’exercice coordonné

La loi encourage également le salariat, notamment dans les centres de santé, en garantissant leur financement public. Ce modèle, plébiscité par les jeunes médecins, offre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, tout en réduisant la charge administrative.

“Nous avons récemment embauché un médecin salarié. Il apprécie de travailler en équipe, et cela soulage nos praticiens libéraux,” explique Marie Dupont, coordinatrice d’une CPTS en Dordogne.

Par ailleurs, la proposition prévoit d’alléger la charge administrative des professionnels avec des dispositifs comme l’auto-déclaration pour les arrêts maladie de courte durée, ce qui pourrait libérer plusieurs millions d’heures médicales par an.

Une vision renforcée de l’exercice coordonné

Les MSP, fers de lance de l’organisation des soins primaires, sont des acteurs centraux de cette réforme. Ces structures pluriprofessionnelles bénéficieraient d’un soutien accru pour améliorer leur maillage territorial.

Cependant, certains professionnels estiment que ce texte devrait aller encore plus loin pour favoriser l’attractivité et simplifier le fonctionnement des MSP.

“Les MSP sont des lieux d’innovation qui répondent aux attentes des patients et des soignants. Mais elles sont freinées par une complexité administrative importante. Si cette loi pouvait également simplifier les démarches de création et de gestion des MSP, elle aurait un impact encore plus fort,” explique Marc Vasseur, pharmacien et membre d’une MSP en Haute-Vienne.

Des propositions émergent de notre fédération pour compléter la loi : des aides simplifiées à la création de MSP, une meilleure reconnaissance des coordinateurs et un soutien accru au financement des locaux et des équipements, une homogénéisation du salariat de professionnels de santé au sein des MSP, et le rattachement des salariés ressources à l’équipe et non à un seul professionnel tel que nous le connaissons actuellement

Former : préparer les soignants de demain

Pour faire face au vieillissement de la profession, la loi prévoit plusieurs mesures structurelles :

  • Formation décentralisée : Chaque département devra offrir des formations en santé, au moins pour la première année. Un nouveau CHU sera créé en Corse d’ici 2030.
  • Année préparatoire : Une formation spécifique pour les bacheliers issus de territoires sous-dotés les préparera aux études médicales.
  • Contrats d’engagement : Les CESP, qui lient les étudiants à une installation en zone prioritaire, seront portés à 25 % des promotions.
Ces mesures visent à renforcer l’attache territoriale des jeunes soignants, un facteur déterminant dans leur choix d’installation. Une étude de la DREES montre que 70 % des médecins formés localement restent exercer dans leur région d’origine.
Répartir : mieux organiser l’installation des médecins

La mesure phare consiste à réguler l’installation des médecins via une autorisation délivrée par les ARS. Cette autorisation serait automatique dans les zones sous-dotées, mais conditionnée à un remplacement dans les zones où l’offre est suffisante.

Pour accompagner cette régulation, un Indicateur Territorial de l’Offre de Soins (ITOS) sera créé. Cet outil permettra de cartographier les besoins par territoire, en prenant en compte des critères comme l’âge de la population ou le non-recours aux soins.

Une équation budgétaire complexe

Pour financer ces mesures, la proposition de loi prévoit une taxe additionnelle sur le tabac. Cependant, certains professionnels s’inquiètent de la viabilité à long terme.

“Ces mesures sont ambitieuses, mais elles nécessiteront des moyens financiers significatifs et une vraie concertation avec les acteurs de terrain,” souligne le Dr Marion.

Vers une transformation durable

Reste maintenant que le contexte politique et économique fait peser une forte incertitude sur l’accès aux soins de premier recours et sur le développement de l’exercice coordonné. Pourtant, il est reconnu comme un facteur clé d’amélioration de la situation par tout un chacun.

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